La semaine dernière, j’ai eu la chance de pouvoir participer pour la première fois au congrès de l’ADULLACT (Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres au sein des Administrations et Collectivités Territoriales) à Montpellier, durant 3 jours les 15, 16 et 17 juin. Cette édition 2022 était marquée par les 20 ans de l’association et nous avons pu profiter d’un programme très complet pour fêter cet anniversaire. Petit retour du congressiste que j’étais, après 5 heures de route.
Premier jour
Divers présentations.
Accueillis dès 13h30 en plein cœur de Montpellier métropole, dans la salle du conseil communautaire, nous commençons par un tour des catalogues de logiciels libres à destination des services publics au sein de l’Europe, tout d’abord, puis au sein de la France. Ces présentations permettent un très bon panorama, et ça fait plaisir de voir que l’on n’est pas seul·e·s dans la démarche des logiciels libres dans les administrations et collectivité territoriales. Les interventions sont en alternance des tables rondes (avec 4-6 intervenant·e·s à chaque fois) et des présentations à 1 ou 2 intervenant·e·s.
Chaque jour, des intervenants (« sponsors ») d’entreprise autour du libre ont un petit créneau, nommé de manière transparente « pitch entreprises », où chaque société peut présenter ses services, les logiciels (libres évidemment !) développés ou déployés dans son activité en dix minutes. Ces interventions ont été peu invasive, et la qualité de réception par l’ADULLACT semble justifier de les avoir « invités » à venir (je supposes que les entreprises sponsors ont versés quelque participation financière pour pouvoir être présentes sur place). Je ne m’étendrais pas dessus, mais les entreprises représentées étaient moins de dix.
En fin d’après-midi, après une bonne pause café, nous assistons à une table ronde présentant l’évolution du projet « Démarches Simplifiées » qui est un vivier de protocoles de démarches auprès des administrations, les formulaires sont existants pour de nombreuses démarches (autour du permis de conduire, des médailles, des services de restauration, des cartes professionnelles de chauffeurs VTC…) et celles manquantes peuvent être demandées, proposées et validées par la communauté afin de permettre de n’effectuer le travail qu’une fois. J’étais ravi de découvrir cette plateforme dont je n’avais jamais entendu parler, et qui peut-être d’une grande aide tant pour les citoyen·ne·s-utilisateurices des démarches que pour les administrations ou collectivités territoriales qui les mettraient en place.
Un moment « once in a lifetime »
Enfin, à 17h nous est annoncé que l’intervention de Richard M. Stallman aura lieue dans 5 minutes (j’étais persuadé que nous aurions droit à une intervention par visio), et alors me voilà un sourire béat au lèvres entre mes deux collègues (moins libristes que moi) tel un gosse amené à Disneyland par ses parents. À son arrivée, un petit moment passe le temps qu’il s’installe avec sa petite caméra de poche, prenne un microphone et commence ses tribulations habituelles et connues (en Français !). Ce jour, en 30 minutes seulement, Stallman nous parle de vie privée, de données personnelles et de JavaScript (ce jour, JS sera sa cible). Il nous évoque l’importance de se protéger, et l’ouverture des codes-sources par le biais des logiciels libres est selon lui la seule manière de pouvoir faire confiance aux logiciels exécutés sur nos machines. Après un petit tour d’expérience avec SNCF pour son transport jusqu’à nous, à cause du JavaScript – bloqué sur son navigateur-, il n’a pu réserver lui-même son billet. Enfin, il conclue avec un argument parmi mes préférés pour montrer l’importance du chiffrement.
« Si je refuse l’utilisation de logiciels privateurs, et que je refuse tout usage des logiciels et services qui espionnent nos données personnelles, c’est parce que j’ai la chance d’avoir le choix. Maintenir les données personnelles privées, et le chiffrement en place permet de protéger ceux qui n’ont pas le choix comme nous, tels des activistes, lanceurs d’alertes ou journalistes. »
— Richard M. Stallman, Hacktiviste
Et une soirée au calme
Après cette intervention, l’inventeur des logiciels GNU nous a alors invité à discuter avec lui, j’ai partagé quelques échanges avec lui et d’autres congressistes, nous avons faits nos fan-boys&girls et demandés un petit autographe chacun·e (le mien est sur la page dédié au mainteneur d’emacs, dans le livret commémoratif des 20 ans de l’adullact). Cette première journée s’achève par un RDV au musée MO-CO Panacée pour une petite visite de l’exposition « CONTRE-NATURE LA CÉRAMIQUE, UNE ÉPREUVE DU FEU » avant d’assister à un apéritif dinatoire dans la cour du musée. Très jolie ambiance, la chaleur ne se fait pas trop sentir sous les arbres, et nous passons tous une agréable soirée avant de rentrer, plus ou moins tard, à l’hôtel.
Deuxième Jour
Au matin, nous sommes accueillis dès 9h pour un buffet de petit déjeuner, cafés et autres boissons avant d’attaquer par la frugalité numérique, présenté par Richard HANINA de la Direction Interministérielle du NUMérique (DINUM de son petit nom), qui durera une heure. Richard commence par nous présenter les effets écologiques, économiques et sociétaux de la surconsommation numérique (le changement régulier de terminal, l’obsolescence programmée, l’usage de toujours plus de services hébergés dans d’immenses centre de données pour lesquels, même invisibilisés, il faut fabriquer nombre de matériaux (serveurs, switchs, routeurs, passage de fibre optique…). Il nous présente notamment des graphiques représentant quelle part de l’impact écologique est déjà actée avant l’achat à neuf, et quelle part est « sous la responsabilité » de l’utilisateurice final·e. (spoiler alert : le mode sombre de l’écran a un effet négligeable, comme le nombre de chargements que vous ferez…).
On passe rapidement sur diverses recommandations permettant de réduire l’impact du numérique : réduire la taille des écrans, réduire les usages inutiles, combattre l’obsolescence programmée… En ce qui concerne la durée de vie des terminaux, je peux personnellement attester que mes ordinateurs (laptop ou tour) durent bien plus longtemps sous un OS GNU\linux qu’à l’époque ou je tournais avec Microsoft. Pour ce qui est des terminaux mobiles, est évoquée la libération des majors (apple iOS et iPadOS, google android) en se dirigeant par exemple vers du replicant (android sans google), du LineageOS ou du /e/OS. L’indice de réparabilité est un bon premier pas en ce sens, permettant de faire des acquisitions de terminaux sur des critères de durabilité plutôt que de puissance, de marque ou de « look ».
Après une poignée de pitch-entreprises, une petite pause café (quand même) le Président de Montpellier 3M (l’agglo) et Maire de Montpellier : Michaël Delafosse nous accueille, nous souhaitant la bienvenue dans les locaux de la ville, et communique son enthousiasme face aux problématiques du numérique que cherchent à combattre les logiciels libres. Nous pouvons alors profiter d’un très agréable buffet, tout est beau…et bon !
L’après-midi est consacrée (après un petit coup de pitch entreprises) aux assemblées générales (extra-ordinaire, suivie de l’ordinaire), n’ayant réellement découvert l’association que récemment, et je n’étais (à cette heure) même pas certain que notre adhésion s’appliquait à moi, je me suis donc abstenu d’y participer.
Troisième jour
Le FramaMoment
Comme la veille, accueil-petit-déj’ dès 9h, et à 9h30 le label « libre éducatif » nous est présenté par Alexis Kauffmann un des co-fondateurs de Framasoft, qui travaille depuis l’an dernier à la DNE (Direction du Numérique pour l’Éducation) en tant que Chef de projet logiciels et ressources éducatives libres et mixité dans les filières du numérique (ouaip, c’est un poil à rallonge, merci wikipédia). Au cours de sa présentation, il nous parle un peu des missions mais surtout de ce qui en ressort : des nombreux outils libres pour l’éducation sont disponibles aujourd’hui. De Jitsi-box (visio-conf avec jitsi permettant captation vidéo avec connexion limitée, et intégration de classe hybride présentielle/distancielle) à PrimTux (la distribution deb-like pour école primaires) en passant par Text2quiz (que je me suis noté dans un coin pour le travail) ou le « petit qui monte » en ce moment : ladigitale.
Un dernier petit tour des question et commentaires auprès du public, puis nous enchaînons avec un nouveau pitch-entreprises, et après le café parlons de…
L’accessibilité
Enfin, une table ronde se met en place pour parler de l’accessibilité. Nous avons comme intervenant une représentante de l’ADICO (Aurore Bouffel), un membre de la DINUM (Antoine CAO), Matthieu FAURE de l’ADULLACT et 2 représentants de la Fédération des Aveugles de France (FAF) Denis Boulay et Fernando Pinto da Silva. Après un rapide tour de présentation de toutes ses structures, Fernando nous fait découvrir en projetant son « Vieux MAC sous windows 10 » (plus d’un·e ont levé le sourcil à cette évocation plutôt peu commune) comment se déroule une navigation pour lui à l’aide de son lecteur d’écran.
Nous avons également l’occasion de discuter des impacts de l’accessibilité : non seulement c’est une obligation légale de se conformer à une déclaration d’accessibilité, mais surtout il ne faut pas ignorer que dans le monde, les personnes qui ont besoin d’outils d’accessibilité pour le numérique représentent environ 20% des internautes. De plus, afin de rendre son site accessible, il est en général nécessaire de se conformer aux standards du web (au niveau description des images, hiérarchie de titres etc…) et cela aura un impact direct sur le SEO du site ou de la webapp. D’une certaine manière, l’on sert tout le monde en rendant son site accessible et j’ai aussi trouvé cet argument très parlant.C
Conclusion « Grand Témoin » et fin de congrès ludique
Benjamin Jean, d’INNO3 que nous avions vu assister, parmi nous, à l’intégralité du congrès, avait été choisi en tant que « Grand Témoin » pour résumer en une bonne demie-heure le congrès, ses impressions durant les interventions, ce qu’il en retire et ce qu’il a apprécié. Le témoin décrit un sentiment assez proche du mien. Nous avons pendant 3 jours pu échanger, apprendre, discuter des solutions libres dans et pour les services publics; nous avons parlé de « cercle vertueux », d’ « éco-conception », de « frugalité numérique », des « communs numériques ». Merci à tou·te·s, car ce congrès était super.
Finalement renommé « Pan Bagnat quiz » au dernier moment, nous finissons la journée (plus tôt) par une libre adaptation de Burger Quiz. Chacun·e munis de 3 feuilles cartonnées et colorées, les questions (20 au total) s’affichent une par une, on lève le carton correspondant à notre réponse, et peu à peu notre présentateur élimine les participants qui se trompent. Arrivée à la 11e question, avec une grosse moitiée de participant·e·s encore en lice, notre Alain Chabat du jour me regarde : « ah, là je suis embêté, car je n’ai qu’une seule bonne réponse ». Grand Sourire, rires généraux dans la salle, et me voilà propulsé gagnant du premier prix (une bouteille de vin, et une trottinette électrique) !
Pour éliminer les autres, je me rassieds et tou·te·s les éliminé·e·s de la question fatidique se remettent en place, j’admire alors la fin de ce jeu qui ira jusqu’au-delà des questions pour départager un second et un troisième ( et ça finit avec un chifoumi). Enfin, après cette belle tranche de rires (et un petit tour de la salle du conseil sur mon nouveau bolide en ce qui me concerne), le congrès est clos par les mêmes qui nous ont accueillis le mercredi : la DSI de Montpellier (ville et métropole), et le président de l’ADULLACT : François ÉLIE. Nous nous disons au revoir, à l’année prochaine pour l’Assemblée Générale, et à dans 2 ans pour le prochain congrès.
Conclusion personnelle
En ce qui me concerne, j’étais enthousiaste à l’idée de me présenter sur un congrès autour du logiciel libre dès le départ. J’ai été (agréablement) surpris de la qualité de l’accueil pour ces 20 ans, j’ai été intéressé par toutes les interventions et tou·te·s les intervenant·e·s ! Ça fait vraiment plaisir de croiser des gens, non seulement avec les mêmes convictions que moi, avec les intérêts portés (globalement du moins) dans la même direction. J’ai surtout apprécié de me retrouver entouré de gens qui sont intéréssés par leur travail, et passionnés par les communs numériques. J’ai pu rencontrer une poignée de gens que je connaissais de près ou de loin (Kauffmann, Stallmann, Élie,…) et découvrir un grand nombre de gens tout autant admirable.
Je suis super satisfait du congrès, des échanges, des contacts pris, et de voir que dans le monde du Libre, nous ne sommes plus seul·e·s ! Une chose est sûre, si j’en ai l’occasion, dans 2 ans j’y serais à nouveau !
Superbe article. J’ai apprécié·e la lecture et sourit dès que possible.
Cela donne envie d’y participer.
Merci de m’avoir lu !