Dis-donc Maurice, tu pousses pas un peu le bouchon ?

Dis-donc Maurice, tu pousses pas un peu le bouchon ?

Du jeu de rôle, du cinéma Z et du trash

« Jusqu’à la dernière année je tuais les animaux sans méthode, comme ça venait, le plus souvent lorsqu’ils étaient encore entravés par le collet. Je leur cassais le crâne à coups de pierre ou bien je leur ouvrais la gorge avec mon couteau. »

Christophe Siébert dans Nuit noire, Trash éditions, 2014

          Jeu de rôle d’exploitation

L’exploitation, plus exactement le cinéma d’exploitation auquel ce titre fait référence, est une catégorie filmique bien à part. Grâce à Rodriguez, Tarantino ou plus proche de nous des gens comme Nicolas Boukhrief, ce cinéma de genre pas propre sur lui qui mélange allègrement horreur, fantastique, guerre, western, prison ou SS (oui, je sais) en le saupoudrant systématiquement d’un érotisme plus ou moins malsain et d’une violence a minima sous-tendue, retrouve certaines de ses couleurs. Ce cinéma pas cher, « exploitant » notre fascination pour le sang et le sexe, a produit un nombre incalculable de films dont la grande majorité sont des navets. Les films qu’on dit « cultes » des années 70 viennent bien souvent de ces réseaux de production (La dernière maison sur la gauche, Massacre à la tronçonneuse, La Nuit des mort-vivants, …) mais, quels que soient leurs défauts et leurs qualités, si il y a une chose qu’on ne peut pas leur reprocher c’est de manquer d’imagination. Le moindre des nanars de Corman¹, le plus petit DTV² nippon, un simple category 3³ hong-kongais a plus de créativité que n’importe quel blockbuster calibré de Hollywood. La pire des séries Z italiennes a (presque) toujours sa séquence qui rend le film inoubliable. Bon, parfois c’est grâce à sa débilité. Peu importe, le cinéma d’exploitation, ça ose tout. C’est même à ça qu’on le reconnaît.

Pourquoi je vous parle de ça ? En cause la propension du jeu de rôle à se nourrir de toutes les inspirations disponibles et à utiliser tous les contextes pour faire vivre des expériences inédites aux joueurs-ses. Hors l’imagination au pouvoir dans les films d’exploitation, au sens le plus large possible, devrait être un modèle de liberté de ton pour les MJ. En ces temps d’âpres discussions autour de la x-card*, sur la représentation du genre dans nos jeux, sur le sexisme à l’œuvre dans les mondes du jeu de rôle, quelles expériences sont possibles ? Le jeu de rôle 18+ existe, mais que donne-t-il à jouer ? Truc pour faire frémir les dernières pulsions adolescentes ou réelle profondeur cachée, comme chez leurs homologues cinématographiques, derrière les apparats du n’importe quoi ? De l’art ou de l’homme-porc ?

Des boobs, du sang et un peu d’art autour

Comme pour les autres articles, c’est le point de vue du vieux monde que j’adopte, raison pour laquelle il y aura peu de références aux jeux américains.

Bimbo est le premier titre qui vient à l’esprit. Peut-être le seul jeu qui assume à sang pour sang sa filiation avec le Z et l’exploitation en générale. Son fond de commerce et sa richesse mais aussi sa limite. C’est une mise en abîme : les joueurs-ses jouent des actrices, qui jouent des rôles dans des films nanardesques mais bien barrés. Un double niveau de jeu qui met à distance le scénario à proprement parler et le regarde en se marrant. Le système qui utilise des mécanismes de jeu de plateau renforce cette distanciation en créant une opposition mécanique entre les joueurs-ses. Il est plus important dans Bimbo de marcher sur la gueule de sa concurrente dans la production que d’exploser celle du grand méchant du scénario. Le jeu n’émule pas du tout les films, il propose des scènes d’action épiques totalement débridées qui partent dans tous les sens, qui sont toujours contrariées par l’absence de moyen ou les caprices du producteur. Expérience certainement nouvelle et intéressante, mais qui reste finalement très safe, très maîtrisée et un peu potache en axant une partie de son déroulement sur le crêpage de chignons entre actrices plus ou moins finaudes. Bimbo est miraculeusement passé entre les gouttes de la critique anti-sexiste et a prouvé qu’on pouvait manipuler certains codes et clichés, même jouer avec sans pour autant leur donner une légitimité. La question peut se poser : que donnerait une sortie post-Weinstein ?

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Original et inoffensif. Presque un jeu familial.

Le jeu laisse une grande part de responsabilité au metteur en scène (le MJ), qui pourrait passer outre les intentions de l’auteur et transformer le jeu en une apologie malsaine du système hollywoodien. On ne peut pas blâmer un auteur et condamner une proposition de jeu à cause des cons et des malveillants.

  S’il est facile de rendre con un jeu intelligent, est-il possible de rendre intelligent un jeu con ?

Disons-le tout de go, ma réponse est « je crois pas ». Tranchée. Parce que des jeux qui favorisent nos bas instincts, leur laissent libre cours, voire encouragent les pires d’entre eux, dans une démarche qu’on pourrait rapprocher du ciné et de la littérature trash et Z, il y en a pas mal au final.

Je vais m’en débarrasser tout de suite : les deux seuls jeux que je connais (pas la peine de m’envoyer des liens pour d’autres dans le genre, je n’irai même pas voir) qui poussent très loin la démarche et véhiculent juste de la merde c’est F.A.T.A.L et Racial holy war (ou l’inverse je m’en fous). Le premier va au-delà de tout ce qui est concevable en terme de médiocrité. Il propose un cadre vaguement SF on sait pas trop et la proposition de jeu est inconnue, si ce n’est qu’on utilise parfois des dés millions et qu’on peut connaître la couleur de son gland ou de sa vulve. Ça servira dans les règles sur le viol. Si. Des pages de stats, une écriture à la ramasse, un « système » parfaitement injouable… Infatigable sujet de moquerie, je fais partie de ceux qui se demandent si ce n’est pas une simple blague. Dans le détail :

http://www.nioutaik.fr/index.php/2012/09/29/623-fatal-le-jeu-de-role-le-plus-moisi-du-monde

http://ptgptb.fr/critique-de-fatal

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Unanimement le jeu le plus mauvais.

 

Dans le même genre mais un peu plus loin dans la connerie, avec cette différence notable que certains disent vraiment y jouer—les joueurs-ses de F.A.T.A.L sont invisibles— , Racial holy war qui donne aux joueurs-ses la glorieuse opportunité de jouer des « guerriers pour la race blanche » qui doivent survivre en se défendant contre (forcément) les étrangers installés sur leurs terres. Ambiance cône Miko retourné sur la tronche et feu de camp en forme de croix dans ton jardin. Rip-touille, mollard sur ta face. Dégueulasse. Économique. La Nausée ET Les mains sales (© Desproges).

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De fait ces deux daubes, qu’aucune gelée ne voudrait recouvrir, posent les limites de ce que je me refuse à jouer. La nazixploitation la plus premier degré qui soit, le jeu de rôle comme vecteur d’idéologies gerbantes. Je n’ai juste pas envie d’utiliser ces trucs : la question ne se pose même pas puisque non contents d’être à chier dans le fond, ils le sont dans la forme. Non vraiment, rien à regretter, ces jeux sont vraiment trop cons.

 

Les déchets, réglés. Vous pouvez aller vider les seaux, on est désormais entre gens biens.

Z comme zéro

En fait tous les MJ font du Z sans le savoir. D’une certaine façon, nos médiocres scénarios où les Pieds Nickelés qui servent de héros aux joueurs-ses vont sauver le monde pour la deux millième, ont tous quelque chose en eux de série Z. C’est souvent vrai et on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour Maciste quand notre barbare soulève un rocher de cinq cents kilos au grand respect des règles et du jeu mais à l’immense mépris de toute forme de réalisme. L’âme du Z ce n’est pas que le cheap, c’est aussi, surtout, la violence et le sexe, l’extrême en tout, bien juteux et qui fait vendre. Et pas en spectateur. Plutôt en bourreau ou en victime.

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Ah, Maciste !

Tous les jeux peuvent se prêter à de joyeux débordements, certains sont conçus pour. INS/MV (article sur ce même blog) ou, dans un autre style, Raôul (encore un article sur le même blog) déroulent des tapis rouges pour aller vers le mauvais goût. Mais comme dans Bimbo, l’humour sécurise les parties et désamorce en grande partie le sordide et le malaise que pourrait provoquer certaines situations.

  Kult est très probablement le premier jeu diffusé en boutique qui propose de jouer clairement des gens qui ne vont pas bien dans un monde pourri, rongé par des organisations d’outre-monde qui tendent vers l’entropie. Il ne cherche pas à donner de bouées aux joueurs-ses. Dans ce contexte, on approche une expérience très intéressante : derrière le côté « pulsion d’ado mal inspiré », se cache un jeu qui fait confiance à ses joueurs-ses. La véritable « maturité » du jeu vient bien plus de ce qu’il donne un matériau incandescent en conseillant d’y aller à fond, que dans ses archétypes de junky, de psychotique ou de serial killer. En proposant un contexte totalement désespéré, violent, immoral, Kult amène les joueurs-ses vers de nouvelles émotions qu’on avait pas encore connues jusque-là, ou très rarement, en jeu de rôle. On les avait déjà croisées de loin, la tristesse, l’anxiété, la terreur et le malaise mais jamais elles n’étaient le thème même du jeu, son moteur narratif principal. J’imagine que nous n’avons pas tous eu les mêmes expériences sur ce jeu, il faut accepter de désamorcer le filtre de l’humour et se laisser traverser par une ambiance pouacre et collante. J’ai personnellement connu mes premières émotions de tristesse dans un jeu grâce à Kult (et au MJ, bonjour David). Oui, grâce.

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Kult, le premier jeu de role black metal

Certains diront que l’ombre de Sacher-Masoch plane sur les pauvres âmes qui se font du mal en y prenant du plaisir. Je répondrai pour la suite de l’article, sans plus y revenir, c’est une sensibilité et un choix. L’expérimentation de sentiment de tristesse, de dégoût, de rejet est tout aussi riche d’enseignement que la joie, la plénitude ou la complicité. Et si j’aime me fritter un dragon rouge pour lui piquer son or/affronter un sorcier qui tyrannise la région/vider le donjon à la recherche de la princesse, je pense que le jeu de rôle peut être aussi autre chose qu’un pur divertissement ou qu’un moment d’évasion (voir à ce propos l’interview de Siébert et Batro). Sans aller dans les hautes sphères, il permet de simplement mieux se connaître en allant chatouiller, sans filet, certains recoins obscures. Ce n’est pas toujours une partie de détente mais c’est grisant. Ce que j’aime dans les category 3, dans les romans gore ou dans le hardcore. Si le sang, les tripes, la folie ou le sexe déviant vous font rendre gorge, fuyez, pauvres fous !

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La vénus en fourrure ne   doit pas être loin…

Sinon restez, on va pouvoir fonder une secte sataniste et nihiliste de rôlistes qui ne distinguent pas la partie de la vie**. Et j’ai des cookies.

         Blood simple

Une vague de jeux indés tout à fait intéressants nous amène à questionner les limites du jeu de rôle. Du jeu qui saigne, qui gueule, qui devient fou, qui jouit, qui distord et qui dévie. C’est un mouvement de fond, qui vient des entrailles pourrissantes de horde de rôlistes qui sont à la recherche de sensations qui les secouent comme leur première partie de … Donj’.

Très bon jeu rock’n’roll qui lorgne vers les Hell’s Angels on wheels ou Easy rider autant que vers GTA, One% fait néanmoins figure de trublion bien sage en réalité (ce qui n’enlève rien à ses qualités) après une pseudo-polémique parfaitement stérile. Certes il arrive qu’on tue et les questions de sexualité sont abordées, mais de loin, plus par la gestion du club et comme élément de drame que comme moteur ou objectif. En revanche chez le « presque même » éditeur (plus ou moins les mêmes personnes derrière Pulp Fever, Game Fu et désormais Les éditions du troisième œil), est sorti depuis un certain temps déjà l’excellentissime, le génialissime Dés de sang.

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Celui-ci peut se targuer d’être le premier jeu de rôle trash que j’ai essayé dans tout ce renouveau qui se développait en silence et qui désormais vit au grand jour. Contexte : années 70, sud des États-Unis, vous jouez les victimes d’une bande de rednecks consanguins forcément brutaux, amoraux et a minima pervers. Les conseils au MJ sont clairs : vous jouez contre vos joueurs-ses. Il faut passer dans leur dos, les injurier, les humilier et les faire chier sous eux-elles. C’est exprimé à peu près comme ça. Le ton est paroxystique, hystérique, faut que ça aille vite et que ça saigne. Les joueurs-ses sont des lapins dans le terrier. Les adeptes de crustacés peuvent retourner invoquer avec leur gourou d’extrême droite, la SAVE peut bien défourailler du loup-garou et du vampire, la trouille dans un jeu, la vraie, elle est là ! Pour faire passer la pilule dans le livre de règles, entre deux biographies de tarés, on a l’impression de discerner de l’humour. Ah, oui. Mais c’est noir, c’est violent et pour le coup pas safe. Il faut prévenir les joueurs-ses, c’est pour se marrer, mais pour se marrer faut y aller. Et le système s’y met : un dé sert à la résolution de toutes les actions de chaque membre du groupe. On lance un D100, le score doit être en dessous de ce qui est affiché sur le dé de sang. Le score commence à cent et baisse de un (ou deux, il y a quelques subtilités quand même pour ceux qui aiment ça) à chaque lancer. Mécaniquement, on rate de plus en plus souvent ce qu’on entreprend et on limite ses actions pour ne pas faire baisser trop vite la précieuse jauge. Ajoutez là-dessus un système de combat qui tranche (en gros ça blesse, ça assomme ou ça tue) avec, détail rigolo, des critiques et des pétages de plomb que les joueurs-ses écrivent en début de partie sans savoir si ce sera pour eux-elles ou pour les adversaires. Tout le monde ne peut pas apprécier. Mais, tout comme Sombre , on commence à goûter un gameplay différent, les parties sont courtes et l’ambiance est intense. Ces jeux émulent parfaitement « la peur comme au cinéma » pour reprendre le slogan de Sombre.

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Si Dés de sang a un contexte donné bien précis, Sombre s’est adapté au fil des ans à tout un tas d’univers en proposant de jouer des scénarios très courts, presque toujours mortels et très cinématographiques.

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Sombre se décline comme un magazine et propose dans chaque numéro de quoi jouer.

Sous tes reins

Le courant qualifié volontiers d’underground trash réduit de plus en plus l’espace, le mur qui semblait se dresser entre lui et l’édition de jeu de rôle classique. Les financements participatifs et l’auto-édition (lulu.com notamment) ont donné une visibilité et in fine une légitimité à des jeux qui seraient restés perdus dans les limbes du web, difficile d’accès. Et on voit des jeux bien plus durs se profiler, qui se vautrent dans le sordide, la violence, l’outrance et l’obscénité. Chouette.

Il faut citer Yno (Anthony Combrexelle), Batronoban et Thomas Munier qui, chacun avec ses obsessions, tentent de créer du nouveau. Du qui remue.

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Yno propose des shooters, des « campagnes one-shot » tout compris. Son système, corpus mechanica si je dis pas de bêtise, est d’une simplicité enfantine et permet à ses histoires de prendre corps sans s’en préoccuper. Entre le western crépusculaire et macabre (La nuit des chasseurs), la famille de tarés satanistes dans le sud des États-Unis (Rushmore) ou la vie dans un hôpital psychiatrique hanté par Nietzsche, les surréalistes et Burroughs (Patient 13), c’est une gamme complète—la liste est loin d’être exhaustive, allez voir sur misterfrankenstein.com—de nouvelles expériences ludiques qui se dessinent. Avec Patient 13, on commence à rentrer dans le franchement malsain, chemin qui trouvera une forme d’aboutissement avec Macadabre, qui reprend en grande partie le concept de Chevalerie & Sodomie pour le mettre à la sauce pestiférée. L’expérience est dérangeante, tout est fait pour mettre le joueur en danger. Pour le système, ça ressemblerait presque à de l’hex crawlin ancestral… D’ailleurs c’en est. Chose que l’on trouve aussi dans Lamentations of the flame Princess et une partie de la scène OSR : reprendre les vieux concepts mais au lieu de rencontrer un gobelin, les joueurs-ses croisent un cube de gelée (qu’est ce que j’ai avec la gelée) en train de pénétrer son anus avec sa propre verge et il attaque les joueurs-ses en leur éjaculant dessus. Si les joueurs-ses font l’amour avec lui, ils passeront sains et saufs, sinon il faudra le tuer. Voilà le genre de description qu’on peut trouver dans un hex de Chevalerie & Sodomie—pas ça exactement, hein, mais dans l’esprit—et dans une certaine mesure dans Macadabre. Si je vous dit que les jeux se jouent debout avec interdiction de s’asseoir et qu’un coup le MJ s’appelle la Comtesse (Macadabre) et que dans l’autre c’est le Marquis qui, lui, va porter un masque de porc pendant toute la partie (C&S)… Revenez !

« Chevalerie et sodomie ? Non, je t’ai demandé le nom du jeu… »

L’obsession pour les porcs et plus spécialement les hommes-porcs est l’affaire de Batronoban. Batro est probablement celui qui pousse le bouchon le plus loin en France avec Mantoïd Universe, Carcere, Les exorcistes ou le futur La Trilogie de la crasse (avec Christophe Siébert  en cours sur gameontabletop). Il faut jouer avec Batro au moins une fois pour comprendre. Ça part dans tous les sens, ça pleut du sperme acide, on se ramasse des tripes dans la gueule en nageant dans une mer de drogue hallucinogène, les personnages meurent pendant leur création, les dieux du Chaos te font bouffer ton livre et ta vie ne tient plus qu’à une bille ou une bougie. Voilà ce qui vous arrivera si vous jouez aux jeux de Batro. Tout ça en en ayant rien à foutre des chapelles et des circonspections, c’est punk et radioactif, ça vise le bide. Avec un cutter, tant qu’à faire. Pis si ça remonte au cerveau tant mieux. Je trouve ça littéralement génial et j’ai envie de jouer à tous. C’est à chaque fois barré, totalement extrême dans sa démarche et parfaitement ingénieux en terme d’univers comme de mécanismes. Cerise sur le gâteau, Burroughs comme inspirateur toxique…

Les hommes-porcs, chers à Batro.

Avec Thomas Munier, qui a imaginé Millevaux (Inflorenza, Inflorenza minima, Millevaux Sombre…), son univers récurrent, ils ont développé un jeu qui va sortir sous peu qui s’appelle Cœlacanthes. Je n’en dirai pas grand chose à part que c’est probablement l’objet rôlistique le plus extrême que j’ai eu entre les mains et certainement quelque chose de complètement bouleversant (un cross Carcère/Millevaux, poussé très loin). La note d’intention précise que justement il n’y en a pas, d’intention. Avec toutes les références à Burroughs et au surréalistes, difficile de ne pas penser à l’écriture automatique et au cut-up (un des éléments de game design du jeu) : ces artistes (Batro, Munier, Yno, …) sont dans la création pure. Sans presque aucune contrainte éditoriale, ils laissent voguer leurs délires et nous emmène dans des directions encore inexplorées. Alors comme toute nouvelle expédition, c’est dangereux mais qu’est-ce que c’est bon. Je n’ai pas encore testé Cœlacanthes, j’attends de trouver le groupe de joueurs-ses avec lesquels-elles ça pourra le faire.

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X-card et respect dans les pratiques « extrêmes »

Parce que derrière la création débridée, il y a quand même la responsabilité des auteurs à nous mettre entre les pattes des trucs brûlants, déchirant la frontière entre moi, le joueur et le personnage. Typiquement Cœlacanthes impose parfois aux joueurs-ses d’utiliser leurs souvenirs, leurs peurs ou plaisirs intimes ; il tend à mettre les joueurs-ses nues-s. Au figuré, hein. Quoique. Le jeu a un mécanisme qui permet le viol de l’autre dans une symbolique physique finalement très intrusive : on s’attrape les coudes pour avoir des relations sexuelles. Si on les attrape sans le consentement de l’autre…

Face à ce genre de gameplay, les auteurs préviennent dès l’entrée dans le jeu. Attention ça va charcler, tronçonner et violer. Dans Cœlacanthes, le système de sécurisation—probablement plus nécessaire dans ce jeu que dans n’importe quel autre—consiste à sortir d’un cauchemar, pour revenir en jeu plus tard, si on veut. Si trop de joueurs-ses expriment le besoin de sortir (on sort par pair, toujours un gardien avec celui-celle qui décide de quitter), la séance est remise à plus tard ou à jamais après discussion. Le principe même de protection est intégré dans la règle du jeu. Mais de l’aveu même de son créateur, ce n’est pas un jeu safe. Je tends de plus en plus à penser que si on cherche ce genre de jeu, la fameuse x-card n’est pas très utile.

À moins d’être (ou d’avoir) un-e MJ pervers-e—et ça aucune x-card ne vous en préserve—les liens autour de la table sont essentiels sur ce type d’expérience extrême. MJ comme joueurs-ses doivent être à l’écoute les uns-es des autres dans une énergie commune. C’est le dialogue qui doit prévaloir et la confiance doit régner entre chacun-e. Sinon on ne laisse pas s’installer les émotions, qui plus est celles qu’on identifie comme plus dangereuses. Tristesse, colère, malaise, violence. Si il y a de la confiance autour de la table, alors la x-card (ou outil du même ordre) ne sert pas à grand-chose. Si il n’y a pas de confiance, alors il sera très dur à un joueur de s’en servir, et il y a peu de chance qu’elle serve plus. C’est pour ça que je ne vois pas pourquoi on emmerderait ceux qui s’en serve si ils pensent que ça a des vertus sur leur pratique, mais que personnellement, je m’en dispense.

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En plus atteindre la x-card par terre, quand on est debout pour jouer à Chevalerie & Sodomie, n’est pas forcément de nature à rassurer…

No future ? Un peu quand même…

Tout ce « vivier » de forces créatrices en action s’est déjà croisé en d’autres occasions et ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si on retrouve Willy Favre, Yno, Romain D’Huissier et Siébert édité chez une même maison : Trash éditions. Si vous voulez avoir un aperçu plein de sécrétions, d’horreur et de drogues je vous recommande vicieusement le Nuit noire de Siébert, pour lecteur très avertis (mais vous l’êtes), un bouquin qui va vous remuer longtemps après l’avoir refermé. Vous êtes prévenus. À chercher du côté de l’occas’.

Le mot de la fin sur les deux derniers projets en date et les polémiques un peu lourdes qui fleurissent désormais à chaque fois qu’un jeu joue la carte du sulfureux. Kabbale et Lex Occultum. Comparés à tort, les deux jeux ont réussi leur financement participatif, ce qui est plutôt une bonne nouvelle dans la mesure où c’est le signe d’une détente autour des pratiques ludiques des uns et des autres. Le jeu de rôle n’est plus regardé comme un truc potentiellement dangereux et proposer des contenus gores, déviants ou ambigus est devenu paradoxalement possible, sans que la pratique dans son entier soit vouée aux gémonies. C’est dommage que ce soit désormais au sein même de la population de joueurs-ses qu’on voit s’élever des désinformations et des critiques à l’emporte-pièce. J’ai du mal à comprendre, en dehors de la polémique « bout de sein », les critiques parfaitement désagréables et infondées de quelques blogueurs-ses. Les campagnes, c’est Bisounours Land dans les commentaires et les auteurs répondent aux questions. Les systèmes sont expliqués. Les blogueurs-ses censés-es être à la page ne vont pas chercher l’info et relayent de vagues rumeurs sans même se donner la peine de vérifier. Je vois pas l’intérêt et ça fait du tort à tout le monde.

Tout cas si vous voulez jouez du côté obscure, il va bientôt y avoir de quoi. J’attends d’avoir testé pour me prononcer.

Sur ce, je retourne me prostrer dans le noir, près du corps tuméfié d’une jeune victime en décomposition, ivre du sang que j’ai récolté en l’égorgeant. J’aurai la vision de table de rôlistes jouant sérieusement sans se prendre au sérieux et je m’évanouirai l’âme au bord du néant. Ouais. Et je mangerai un cookie avec mon lait.

Le puzzle de Fauveau (lepuzzle24atgmaildotcom)

* Sans rentrer dans le détail, la x-card, la carte rouge, le bouton de sécurité, quel que soit le dispositif, est un outil qu’utilise certains MJ pour garantir à leur table une ambiance qui ne soit délétère pour personne. Il s’agit d’un objet qu’on touche ou d’une carte qu’on présente et qui signifie à la table que le sujet abordé nous perturbe. L’idée est que la partie continue sans que le joueur ait à se justifier sur sa demande de couper court à une action ou à une description. Ce système à ses adeptes et, habituel, ses détracteurs. Le sujet sera abordé plus loin. Personnellement je ne l’utilise pas mais si ça plaît et que ça paraît utile à d’autres, grand bien leur fasse.

¹ Roger Corman est un producteur et un réalisateur célèbre qui a œuvré dans la série B fauchée. Dans ses dernières productions, la plus célèbre est sans conteste Sharktopus.

² Le DTV est un système de diffusion très utilisé en Asie. Les films fauchés, Z, potentiellement soumis à la censure sortent directement en vidéo (direct to video). Shinya Tsukamoto ou Takeshi Miike ont commencé et réalise toujours pour le DTV. La plupart des réalisateurs travaillent pour l’industrie de la vidéo.

³ Le « category 3 » est un genre à part. Les classifications à Hong-Kong fonctionnent en catégorie. La catégorie III regroupe tout ce qui est sanglant, pornographique… Par esprit de provocation, les artistes ont crée la category 3, qui doit aller le plus loin possible, titiller la censure et garantir la liberté d’expression. Outre cela, le marché rapporte correctement par rapport à la mise…

** Speciale dédicace à la femme qu’on appelle Mireille \ii/

6 commentaires

  1. Whaou.
    Bravo, je suis arrivé ici via le lien de Batro et franchement quel plaisir de lire un texte aussi stylé et aussi construit dans sa réflexion.
    Merci pour ton avis et merci de démontrer qu’il reste de la place pour la littérature, le cinéma et les jeux qui repoussent les limites. Libre à chacun de jouer ou pas.

  2. A aucun moment n’est vraiment posé la question de ce que l’on joue. Il est question de thématique, de contexte, d’univers trash… mais ce n’est pas la même chose de jouer une victime (direct dans Dés de Sang, indirect lorsqu’on est victime d’une société malade dans Kult, …) et les bourreaux, voir les instigateurs de violence et d’horreur.
    Que le jeu (via ses mécanisme ou au travers du MJ) représente un monde horrible et que les joueurs luttent (en agissant de façon horrible possiblement) contre ce n’est pas la même chose que d’être dans une position d’acteur d’oppression (commettre des viols ou des crimes raciale pour reprendre les exemples du texte).

    D’après moi l’intérêt de cet esprit Trash (mais aussi du jdr ou du principe de narration en général) est de vivre des douleurs (avec sérieux ou avec humour), mais pas d’en être la source (je précise : il ne s’agit pas du but, mais c’est tout a fait possible d’y être confronté par souci de réalisme, de dépassement ou autre).

    Pour résumer au prenant l’exemple du cinéma d’exploitation par lequel le texte commence : oui au rape and revenge mais ne jouons pas les violeurs. A partir de la beaucoup de jdr a l’esprit trash (ou juste violent) ne représentent plus beaucoup d’interet.

  3. C’est intéressant. L’article ne prétend pas à l’exhaustivité. Mais je ne suis factuellement pas d’accord.

    Dés de sang te place dans le rôle de la victime. C’est vrai. Mais quand on déplace le curseur au-delà de l’émulation du Z ou de l’exploitation, plus proche du trash, justement, on se rapproche du bourreau. Le personnage principal de Nuit noire viole, tue dirigé par sa seule pulsion à laquelle il donne une forme mystique.

    On retrouve ça dans Chevalerie et Sodomie ou Mantoïd universe qui propose parfois d’être simplement les bourreaux. On est plus dans la vengeance mais bien dans l’assouvissement du sadisme. Cœlacanthe va plus loin encore, et place le joueur dans la peau du tortionnaire sans qu’il n’ait vraiment le choix, à moins d’accepter une déchirure de son incarnation.

    La nuance vient de la distance à laquelle on te place : dans racial holy war, tes actes de violence raciste sont glorifiées. Dans Cœlacanthes, tu agis contre toi-même, ce qui te met dans une position critique face à l’ignominie de tes actes. Chevalerie & Sodomie se fait fort d’illustrer la célèbre maxime : « Quand tu combats des monstres, fais attention à ne pas en devenir un toi-même ».

    Les jeux que je cite dans la dernière partie ne recule pas devant la possibilité de faire des joueurs des crevures. La trilogie de la crasse à venir a des chances de proposer du lourd dans ce sens.

    Alors ça ne te plaît peut-être pas, et ce n’est pas contestable, mais les jeux qui tendent à faire vivre des expériences extrêmes doivent autant à Sacher-Masoch qu’à Sade.

    Si on y regarde de plus près, la complaisance des rape & revenge te place en permanence dans la peau du bourreau (je pense au cat 3 ou à la vague mid-70’s américaine) : le viol est commis en vue subjective, ou en tout cas adopte hypocritement le point de vue de la victime pour faire durer la scène et la suite est un carnage qu’on justifie par la vengeance. La pulsion qui est la plus utilisée est le sadisme, c’est-à-dire le plaisir pris à regarder souffrir les victimes (le personnage violé au début, les violeurs ensuite). On ne te fait pas expérimenter la douleur (peu) mais bien la toute-puissance de la violence.

    Beaucoup de jeux ici n’ont justement pas ce faux-fuyant de donner une caution morale au massacre qui s’y déroule. Ils sont finalement beaucoup plus « sains » dans leur rapport à la violence que des donj’ où ça étripe à tout va, sans jamais se dire : « On est des putains de psychopathes, on vient de foutre le feu à un village d’orques juste pour récupérer une pierre qui nous fera gagner de la thune. On massacre à longueur de journée tout ce qui ne nous ressemble pas, parce que, comme ça n’est pas semblable, c’est forcément mauvais ». Si tu y réfléchis un peu le jdr trad te place en situation de bourreau assez fréquemment, mais le contexte est héroïque…

    Revois Henry, portrait of a serial killer ou seul contre tous : le point de vue du bourreau doit être une expérience critique, mais présente un intérêt ludique pour vivre des vies hors-soi.

    La question qui reste entière est celle du regard critique que le jeu porte sur lui-même : est-ce que le jeu permet à un moment la critique des émotions insidieuses qu’il peut susciter ? Ou est-ce qu’il bloque le joueur dans une position morale contestable ?

  4. Comme Ethariel je salue la réflexion bien menée. Je trouve réjouissant de voir mentionner « Dés de sang » comme précurseur de cette vague Underground Trash tant il est vrai que son livre avait un ton « sale gosse » assez étonnant pour l’époque (même si on pouvait sans doute trouver des équivalents dans certains vieux suppléments INS/MV).
    Sur le podcast Radio Rôliste nous nous étions interrogés sur la place de la violence et du trash en JdR, notamment au travers du cas d’un jeu qui explore les limites du supportable : Zombie Porn (http://www.radio-roliste.net/?tag=zombie-porn et https://norwegianstyle.wordpress.com/2007/12/28/zombie-porn/ )

    Je ne suis pas sûr de te suivre, et ne crois pas partager tes conclusions, sur l’articulation entre la critique anti-sexiste (dont je reconnais qu’elle occupe aujourd’hui une part importante dans le milieu de la critique/des commentaires rôlistes) et le trash. Deux arguments :

    1) Les auteurs qui se préoccupent le plus de ces questions ne font pas des jeux moins trash/esthétiquement forts.
    Ce sont typiquement des préoccupations qui sont au centre de la démarche de Thomas Munier (et qui existent aussi chez Batro) ce qui n’aseptise pas ses jeux.

    Outre Atlantique on est frappé par la vigueur évocatrice de la scène queer. Les préoccupations de genre/représentations sont par exemple au centre des réflexions d’Avery Alder dont les jeux sont assez puissants (on truc comme Abnormal est bien trash par exemple http://buriedwithoutceremony.com/little-games/abnormal mais on peut aussi citer Monsterheart – on peut éventuellement argumenter que l’accent mis sur les préoccupations de sécurité émotionnelle atténue la force du jeu dans la seconde édition – ou Dream Askew.

    Au fond « Dés de sang » est peut-être le seul jeu qui gagne en potentiel choquant parce que ses auteurs n’ont en rien à foutre du féminisme (on peut éventuellement discuter autour de la gamme Lamentations of the Flame Princess).

    2) La dénonciation d’une supposé panique morale émanant « des blogueurs » est un lieu commun de la part des auteurs de jeux inoffensif qui veulent s’acheter une respectabilité subversive à peu de frais

    Il y a bien eu des discussions sur le sexisme de Bimbo (par exemple des messages, aujourd’hui disparus dans les limbes du net, sur le forum Casus NO mais aussi un article sur Hugin&Munin http://hu-mu.blogspot.fr/2014/06/bimbo.html) dont la réception fut surjouée par les amateurs/concepteurs du jeu leur permettant de prendre une posture transgressive.

    Le cas ONE% est aussi exemplaire tant il a donné lieu à des dénonciations « des blogueurs », dénonciations parfois grandiloquantes (http://www.scifi-universe.com/actualites/16103/one-un-jeu-de-role-raciste-et-sexiste) et ne mettant jamais de liens vers les critiques dénoncées.

    On peut supposer que les articles les plus lus sur le jeu furent celui du blog SMD (http://www.suckmydice.com/la-drole-de-guerre-des-sexes-du-jeu-de-role-francais) dont la critique ne me semble ni souffrir d’être caricaturale ni d’être prude et le mien (http://hu-mu.blogspot.fr/2017/08/one.html) qui reproche aux représentations féminines de ne pas être plus transgressives qu’une publicité pour parfum avec une femme dénudée.

    Bref je ne veux pas faire une course au trash mais je ne crois pas que penser le genre, les représentations féminines et le JdR « safe » s’oppose à la pratique d’un JdR violent et choquant.

  5. Salut,

    J’ai dû mal m’exprimer. Je ne m’intéresse pas vraiment à « l’articulation antisexiste et le trash » ici. La conclusion s’adressait très factuellement à des vidéos de youtubeurs (dont je ne retiens pas les noms, mais rôliste TV à relayer) qui décrivaient la page de financement participatif de Kabbale comme un lieu de guerre et de troll ultime. Or sur la page en question, et dans les commentaires, c’est une ambiance détendue, de gens intéressés qui parlent poliment, qu’on peut apprécier. En fait aucun rapport avec une quelconque critique sur un sexisme présupposé. Je n’aborde juste pas le sujet.

    Mais je partage ton point de vue. Thomas Munier, Batro ou Zak Sabbath sont attentifs, ou au moins manifestement sensibles à ces questions. L’universalité de leurs propos ne fait que rendre leurs messages plus forts et plus percutants. Dans un jeu que je cite, Cœlacanthes, le propos sur le sujet est très précis, l’identité et le genre sont des éléments de jeu par certains côtés (mauvais esprit : off).

    Concernant la couverture de Kabbale, et dans une moindre mesure–à cause du style graphique ?–les illustrations de Lex Occultum, je vais essayer de reformuler.
    Je trouve juste la polémique artificielle, contre-productive, inutile et pour tout dire, grotesque. Montrer une femme ou un homme nu, ça choque qui aujourd’hui ? C’est juste plus cool avec un peu de tripailles et un sein/une bite à l’air quand on veut se la jouer déviant. Facile, mais ça fait un truc un peu « collector » sur les bords, pour les participants. Et je ne vois pas en quoi mettre une prêtresse sectatrice seins nus devant un homme nu à genoux est sexiste. C’est une femme de pouvoir qui « objectise » volontairement son corps.

    Après la couverture ne correspond pas complètement au contenu qu’on nous décrit et on peut se dire que c’est un peu moyen comme méthode commerciale. Ouais, c’est vrai, j’aurais préféré Burroughs et sa bouteille aussi ; après si le contenu est bien à la hauteur des intentions, faut pas déconner, c’est pas non plus un immondice et ça promet d’être, les goûts et les couleurs, assez esthétique. Si tu dépenses 50 balles dans un jeu parce qu’il y a une femme dénudée, ne regarde jamais le présentoir du haut chez ton marchand de journaux… Que la question d’une potentielle marchandisation d’un corps-objet féminin se pose, je trouve ça plutôt sain. Que l’on parle de ce qu’on ne connaît pas, sans même faire la démarche de se renseigner, alors que ce qui est dit est public, ça l’est beaucoup moins. Critiquer un jeu sur une polémique qu’on a vu de loin, sans même avoir pris le temps de regarder trente secondes de quoi il retournait, j’appelle ça « jouer contre son camp ».

    Pour lier à l’article et le compléter, comme il semblerait qu’il y ait un petit contresens, quand on va dans le trash, les questions de genre ou de sexe ne se posent pas : tout le monde y passe et le bourreau n’est pas défini par son genre. Ça s’envoie par tous les orifices et ça en invente quand les classiques ne sont plus fonctionnels. La question de la soumission se pose entre êtres vivants, celle-celui qui a le couteau/la pioche/le flingue/le merlin et celle-celui qui n’en a pas. C’est là encore un vaste sujet entre le film d’exploitation qui s’en fout et qui fait ce qui se vend (blaxploitation, gaysplotation, nazisploitation… Cherchez l’erreur) et la littérature trash dans laquelle le racisme, l’homophobie ou les paraphilies insupportables sont toujours des témoins de corruption, des symptômes de la dégueulasserie ambiante. Disant par là quelque chose. Les genres extrêmes sont bien plus politiques qu’ils ne le laissent paraître. Pour le meilleur, mais pas toujours. C’est un sujet qui mérite plus que quelques lignes sur un site, à mon avis ;).

    En tout cas, merci pour ta réaction.

    le puzzle

  6. Ta remarque sur le gore qui ne pose pas la question du genre me rappelle ce magnifique compte rendu d’une partie de Sombre jouée à l’occasion d’une opération de sensibilisation au sexisme auprès d’ado « Vivre ensemble : filles, garçons ».

    Je ne résiste pas à la tentation de citer mon passage préféré
    ‘Puisqu’on y joue des victimes horrifiques, les règles de Sombre ne s’encombrent pas des questions de genre. Face à Jason, boobs ou pas boobs, c’est tout comme pareil : tu meurs. L’égalité par la machette, c’est tout moi.’

    (https://www.casusno.fr/viewtopic.php?f=8&t=12379&p=1588038&hilit=biblioth%C3%A8que#p1588038 )

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